Écrivain, Photographe
C’est Maurice Béjart qui, le premier, me donne l’opportunité d’approcher un domaine que je ne connais pas : Il m’invite rien moins qu’à la Scala de Milan pour photographier le spectacle qu’il y monte du « Martyre de Saint Sébastien », texte de d’Annunzio, musique de Debussy : c’est une gageure me dit le chorégraphe de vouloir fixer le mouvement et je suis bien inexpert en arrivant à Milan. Le débutant que je suis est d’autant plus anxieux qu’il m’impose face au monopole du couple de photographes aguerris, agréés par le théâtre.
Je reste une semaine à Milan durant la préparation de ce spectacle. Le ballet, toujours « du 20è siècle « est là au complet, accompagné de membres de la Comédie Française.
Un jeune et superbe danseur timide assure le rôle principal de Sébastien : Eric Vu An, détaché de l’Opéra de Paris pour l’occasion. C’est la grande vedette du spectacle qui doit danser, chanter et réciter le texte ampoulé de d’Annunzio.
C’est le début d’une longue amitié sereine qui se continue depuis : je suis toutes les étapes de la carrière d’Eric, l’accompagne dans des tournées glorieuses en Italie où il danse en soliste, assiste a Pescara à l’émouvant « Chant du compagnon errant » en duo avec Noureev, à son One man show, son duo avec Zizi Jeammaire, Shaka au Grand Palais, Kabuki avec le ballet de Tokyo etc …Je constitue ainsi une très importante documentation photographique sur lui et les chorégraphies de Maurice Béjart durant les années 80.
Eric trouve le temps de venir parfois se réfugier dans notre propriété romaine où il rencontre Alain Daniélou avec qui il aura de longues discussions animées sur les castes, le métissage, les quatre sens de la vie. Je pense que ces discussions souvent contradictoires sont un des éléments qui lui ont permis de stabiliser sa personnalité.
Il est l’un des invités les plus délicieux que nous ayons reçus dans notre « labyrinthe », respectueux des règles de la maison.
Sa fidélité à ses amis est exemplaire .
Jacques Cloarec
Le Labyrinthe le 25 Juillet 2012